don't see, don't hear, don't say - mikhaila

— Elle aurait préféré être un garçon. Elle fait exprès d’en avoir les manières, ou plutôt de ne pas en avoir. Sauf que ses plans sont réduits à néant par une famille trop envahissante, trop traditionnelle et conservatrice. Tous les matins, c’est le même cirque. S’habiller normalement, comme n’importe quel jeune, puis se faire capturer par des vieilles biques qui l’affublent de breloques anciennes, de tissus crochetés à la main, etc. Toutes ces choses qui la rendent un peu trop féminine ou “mignonne”, elle les déteste. Et le premier qui lui dit qu’elle est cute perd un oeil. Bref. Elle fait partie de ces rares gamins à porter des fringues “d’avant”. Seul avantage, personne n’ose vraiment lui chercher des noises. L’influence et la position de sa famille est bien trop respectée. Seul inconvénient, ça l’isole un peu du reste du monde -elle et ses pouvoirs qui sommeillent.

— Elle voulait faire comme les garçons, aller chasser, pécher, monter à cheval. Elle sait faire et se débrouille même très bien avec un arc, mais encore une fois, y a des vieux qui lui interdisent de trop sortir toute seule à l’aventure. Elle est plus fragile qu’elle en a l’air. Elle s’épuise vite. Il faudrait qu’elle s’économise. Mais elle n’en a rien à faire. Elle veut du concret et de l’action. Pas des esprits avec qui communier, aucune âme à guérir ou à nommer, pas de méditation, pas de rituels vieux comme le monde, pas d’enseignements farfelus où il faut chanter, danser ou taper sur un putain de tambour ! Alors Mikha performe dans l’art de se volatiliser. Et un jour, elle voyagera toute seule à travers le monde, parce que son futur tout tracé, elle l’emmerde !

— Pour l’instant, la version officielle c’est : “non, je ne vois rien”. Mikhaila ne voit pas l’esprit incarné dans ce p’tit gars qui court dans la rue. Mikhaila ne sent pas quand quelqu’un de la communauté passe l’arme à gauche. Ce n’est pas un aimant à énergie d’un autre monde. Elle le répètera à qui veut. Sauf que la version officieuse est toute autre. Elle commence à ressentir tout ça dans ses os. Ça arrive n’importe quand, n’importe où. Ça l’attire inéluctablement, parfois même jusqu’à ne plus savoir comment elle a atterri au milieu de la forêt. Elle n’accepte pas ce drôle de monde sans frontières auquel elle se connecte de plus en plus. Sans contrôle, ça l’envahit bien trop, avec une conséquence pointant au coin de l’oeil : la cécité.

— Ses yeux bleus vifs vont finir par se ternir. Sa vision périphérique diminue. Mikha se cogne souvent. Et parfois, un voile complet se pose quelques secondes. Horriblement aveuglant. Trop lumineux. Mais ça, c’est son secret.